Un poème un peu long que ma mère a trouvé pour le jour de l'enterrement de Mathis
L’ange et l’enfant
Et déjà la nouvelle année avait accompli son premier jour,
Jour bien agréable pour les enfants, si longtemps attendu et si vite oublié !
Enseveli dans un sommeil souriant, l’enfant assoupi s’est tu…
Il est couché dans son berceau de plumes ;
Son hochet sonore gît à terre près de lui,
Il se le rappelle, et fait un rêve heureux ;
Et après les cadeaux de sa mère, il reçoit ceux des habitants du Ciel.
Sa bouche s’entrouvre, souriante ; ses lèvres à demi ouvertes paraissent invoquer Dieu.
Près de sa tête un Ange se tient incliné vers lui :
Il épie les faibles murmures d’un cœur contemple ce visage céleste ;
Il admire les joies de son âme, et cette fleur que n’a point touchée le vent du sud :
« Enfant qui me ressembles,
Viens, monte au ciel avec moi ! Entre au divin séjour ;
Habite le palais que tu as vu dans ton sommeil,
Tu en es digne ! Que la terre ne retienne plus un enfant du Ciel !
Ici-bas, on ne peut se fier à personne ;
Les mortels ne caressent jamais de bonheur sincère ;
De l’odeur même de la fleur surgit quelque chose d’amer,
Et les cœurs agités ne connaissent que des joies tristes ;
Jamais le plaisir n’y réjouit sans nuages,
Et une larme luit dans le rire incertain.
Eh quoi ? Ton front pur serait flétri par la vie amère,
Et les soucis troubleraient de pleurs tes yeux d’azur ?
Et l’ombre du cyprès chasserait les roses de ton visage ?
Non, non ! Tu entreras avec moi dans les régions divines,
Et tu joindras ta voix au concert des habitants du Ciel.
Tu veilleras sur les hommes restés ici-bas, et sur leurs agitations.
Viens ! Une Divinité rompt les liens qui t’attachent à la vie.
Mais que ta mère ne se couvre pas de voiles de deuil !
Qu’elle bannisse le sourcil triste, et que tes funérailles n’assombrissent pas son visage,
Mais qu’elle leur donne plutôt des lys à pleines mains :
Car pour un être pur son dernier jour reste le plus beau ! »
A l’instant, il approche son aile délicatement de sa bouche rosée,
Le moissonne, sans qu’il s’en doute, et reçoit sur ses ailes d’azur l’âme de l’enfant moissonné, Et l’emporte aux régions supérieures en battant doucement des ailes…
Maintenant le berceau ne garde plus que des membres pâlis, qui ont encore leur beauté,
Mais le souffle vital ne les nourrit plus et ne leur donne plus la vie.
Il est mort !... Mais, sur ses lèvres que parfument encore les baisers,
Le rire expire et le nom de sa mère rôde,
Et en mourant il se rappelle les cadeaux de ce premier jour de l’an.
On croirait ses yeux appesantis clos par un sommeil tranquille.
Mais ce sommeil, mieux que d’un nouvel honneur mortel,
Je ne sais de quelle céleste lumière il entoure son front ;
Il atteste que ce n’est plus un enfant de la terre, mais un fils du Ciel.
Oh ! De quelles larmes sa mère pleure son enfant enlevé !
Et comme elle baigne de pleurs ruisselants sa tombe chérie !
Mais, chaque fois qu’elle ferme les yeux pour goûter le doux sommeil,
Un petit Ange lui apparaît, du seuil rose du ciel, et se plaît à l’appeler doucement : Maman !...
Elle sourit à son sourire…
Bientôt, glissant dans l’air, il vole, avec ses ailes de neige, autour de la mère émerveillée
Et joint aux lèvres maternelles ses lèvres divines…
Arthur Rimbaud
(1er semestre 1869)
A chaque fois, que je le lis, je pleurs a chaudes larmes...
J'espère que vous prendrez autant de plaisir a le lire que moi... De plus , certains conseils de Rimbaud sont assez judicieux!!!